Savoir croître en beauté : Voyage au cœur de Warwick
Novembre 1942, un voyageur étranger erre dans les rues de Warwick.
Journaliste à la Revue Colombienne, il griffonne quelques lignes sur son calepin :
« Les rues sont bien éclairées, bordées de beaux et grands arbres, les maisons sont d’une exquise propreté entourées de jolis parterres de fleurs… Et les citoyens sont fiers, à juste titre, de leur beau et grand village. »
Soixante-cinq ans plus tard, les Warwickois portent toujours la même fierté de leur ville, mais celle aussi, de leurs origines. Et si le voyageur étranger décidait de poursuivre plus avant sa visite dans la fleur des Bois-Francs, il découvrirait sans aucun doute une histoire passionnante.
Car connaître l’historique de Warwick, c’est aussi explorer un sentier palpitant, où chaque station nous exprime une époque pas si lointaine, et nous montre la voie à suivre pour le futur.
Si vous le voulez bien, à l’instar de ce voyageur, je vous invite à redécouvrir Warwick, à travers son histoire et ses moments les plus marquants, et ce à l’occasion de son 144ème anniversaire.
Ceci afin de rétablir le pont entre le passé et le présent, et de dresser par la suite le bilan actuel de notre Warwick contemporain.
Première station : Origines du nom de Warwick
La première chose qui frappe le voyageur étranger qui pénètre en ces lieux, et ce tout juste après la bucolique beauté des lieux, est le nom même du village : Warwick. Dès lors, pour comprendre les origines étymologiques du nom, deux hypothèses s’offrent au visiteur. Tout d’abord, on affirme que le Township de Warwick fût prénommé ainsi en l’honneur du comte de Warwick. En effet, ce célèbre personnage historique surnommé le faiseur de roi était originaire de la ville éponyme de Warwick, située dans le Nord de l’Angleterre.
Mais si le visiteur est davantage enclin au romantisme, il préféra la deuxième hypothèse. En effet, celle-ci raconte que le canton fut ainsi prénommé en l’honneur de la jeune épouse du secrétaire civil de Lord Dorchester. Or, celui-ci se languissant dans les froids hiver du Bas-Canada, décida d’offrir à sa bien aimée Charlotte Warwick, l’honneur de baptiser de son nom celui du canton, en 1804.
Deuxième station : les premiers habitants
Si le voyageur venait de la route provinciale d’Arthabaska et décidait de poursuivre son chemin au travers les premiers rangs de Warwick, il emprunterait, sans le savoir, la route des premiers colons Warwickois. Ces derniers étaient venus des Seigneuries pour s’établir sur les terres encore vierges du Township, mais déjà concédées pour la plupart à de riches propriétaires Anglais. Car durant cette époque, Warwick faisait partie du territoire des Cantons-de-l’Est, formé en 1792 par les Anglais loyalistes, qui avaient fuient les états américains à la suite de la déclaration d’indépendance.
Malgré le fait que le canton fut sous dominance anglaise jusqu’en 1842, on note toutefois que dès les années 1830, les Canadiens français amorcèrent le premier mouvement de colonisation officiel dans la région. Ainsi, durant les années 1840, ils les peuplèrent en masse, malgré la difficulté des routes quasi inexistantes.
En outre, il fallut attendre 1854 pour que la petite communauté warwickoise d’une centaine d’habitants ne se dote d’un chemin de fer. Événement d’une grande importance, car il permit de faciliter et d’accentuer le mouvement de colonisation, de recentrer les activités du village autour de la gare, d’apporter des vivres et d’établir un moyen de communication jusqu’aux ports de l’Atlantique.
Troisième station : L’église et le patrimoine religieux
À l’ombre d’un arbre, le voyageur est assoupi sur un banc public près de la piste cyclable. Les vestiges de l’ancien chemin de fer et de la gare y sont présents et les nombreux commerces tout autour témoignent encore de l’endroit comme étant le centre d’activité du village. Le voyageur se réveille au son des cloches de l’église. Il lève les yeux, l’aperçoit à quelques mètres et décide d’y faire un tour. Mais si les pierres des champs de l’église pouvaient lui révéler les péripéties qui ont eu lieux pour la construction la de bâtisse, le voyageur aurait droit à une histoire étonnante.
Afin de remplacer le premier lieu de culte officialisé par les missionnaires au début de la colonie – une petite chapelle devenue trop exiguë devant l’accroissement de la population – les citoyens demandèrent aux autorités ecclésiastiques de l’époque la construction d’une église. Ainsi, deux ans suivant l’officialisation de la paroisse de Saint-Médard de Warwick par le curé d’Arthabaska (en 1860), une requête est envoyée auprès de l’évêque, qui finit par autoriser la construction d’une église et d’un presbytère dans le nouveau centre du village.
Or, les citoyens n’avaient pas encore levé une pelletée de terre qu’une catastrophe naturelle s’abat sur le futur site. En effet, un cyclone d’une grande intensité frappe le village le 10 août 1864 et balaye tout sur son passage : la vieille chapelle, la résidence presbytérale et 54 maisons du village. Par conséquent, il fallut une attente de dix ans avant que la construction de l’église ne soit terminée, non sans obstacles. Finalement construit au coût de 19 600 $, le projet dût en effet affronter la crise économique et la faillite de la fabrique qui était mandatée au projet.
Ainsi depuis 1874, on peut admirer la magnifique bâtisse de style néo-baroque, son extérieur en pièce des champs, ses magnifiques peintures du 19ème siècle, dont les lignes harmonieuses ont fait depuis toujours la fierté des villageois.
Quatrième station : l’industrialisation et agriculture
En pénétrant plus avant dans le village, le voyageur ne pourra s’empêcher de remarquer l’urbanisme résidentiel et industriel de Warwick. Par contre, s’il pouvait remonter un siècle plus tôt, il observerait que l’équilibre d’aujourd’hui entre la population de la ville et celle de la campagne serait inversée. En effet, en 1919, on peut noter que la population de 2234 habitants réside dans une proportion de 58% à la campagne, alors qu’en 1984, de ses 4900 habitants, 60 % sont concentrés majoritairement en ville.
Afin d’expliquer ce phénomène, il faut se situer entre la fin du 19ème et le début du 20ème siècle, alors que l’industrialisation donne à la ville d’autrefois les prémisses de sa vocation industrielle contemporaine. Ainsi, l’esprit d’entreprise des Warwickois s’est fait valoir dès le début du siècle, avec ses moulins à scie, ses tanneries et ses industries variées allant des fromageries à celles de manufacture de voiture. Par contre, la ville n’a pris véritablement son essor économique qu’avec l’implantation de manufacture de textile. Ainsi, grâce aux industriels dynamiques du coin, aux petits commerces se succèdent de nouvelles manufactures qui génèrent une activité économique sans précédent dans le village. Par conséquent, Warwick n’est plus un lieu embryonnaire de colonisation et une communauté fort dynamique se développe de plus en plus sur le plan économique.
Par contre, c’est la campagne plus que la ville qui sera le plus ébranlée par le phénomène de l’industrialisation. Celle-ci aura en effet des répercussions autant dans les pratiques qu’au niveau du paysage humain dans le canton. Ainsi, les nouveaux emplois créés dans le village transforment l’équilibre traditionnel entre la ville et la campagne, en suscitant une forte demande de main d’œuvre dans la ville au profit du canton. Parallèlement, le travail de l’agriculteur se mécanise et se spécialise et par conséquent, à la fin du 19ème siècle, les cultivateurs passent d’une agriculture de subsistance fondée sur le blé, les pommes de terres et l’avoine à une production qui met davantage l’accent sur la production et l’élevage laitier. En outre, on dénombre aujourd’hui environ une centaine d’exploitations laitières et d’élevage de grandes races dans la campagne de Warwick.
Puis, au milieu du 20ème siècle, la population grimpe jusqu’à 4000 habitants et l’on assiste à un boom démographique. L’activité économique prospère permet de créer une force centrifuge nécessaire au maintien des jeunes dans le village et la paroisse à la capacité d’absorber l’excédent des décès par la multiplication des naissances.
S’ensuivent alors les années soixante et Warwick, à l’instar du reste de la province, se met à l’heure de la révolution tranquille, caractérisée par une baisse de la pratique religieuse et une transformation des mœurs. Dans les années 80, de nouvelles familles venues d’horizons aussi divers que le Chili ou la Suisse viennent s’établir dans la ville fleurie et de nombreuses PME et organisations sociales font leur entrée, telles que l’aréna (1969), la bibliothèque municipale (1968) et la Salle du canton (1972).
Dernière station : le futur
Ici se termine le parcours du voyageur, qui n’a plus qu’à lever les yeux vers un horizon qui semble être extrêmement prometteur. La devise de la ville, «croître en beauté », gravée sur ses armoiries, tisse le lien entre les époques. Avec un taux d’activité supérieur à la moyenne provinciale et un taux de chômage inférieur, ses nombreux centre de loisirs, installation sportive et organismes communautaires, Warwick reste une ville stimulante et continuellement stimulée. Économiquement et culturellement, nous pouvons citer en exemple sa piste cyclable, son aréna, ses terrains de jeux et sa Maison de la culture. Ainsi, Warwick reste une ville à redécouvrir continuellement.
De plus, avec son économie diversifiée, le plein emploi et ses nombreuses PME, elle attire chaque année de nouveaux citoyens en quête d’une ville dynamique et accueillante. Avec sa détermination et son esprit d’ouverture, elle reste dans la cible des futures entreprises qui souhaiteraient s’établir. Ses industries tournées vers le monde transigent ou peuvent transiger de par le monde et plusieurs ont une grande renommée depuis des décennies, telles que Ling et Boulanger. Comme l’affirme M. Pierre-Yves Germain, ancien conseiller municipal et membre de la société d’histoire de Warwick : « une ville dynamique attire forcément des gens dynamiques » et c’était peut-être là un des plus vieux et des plus beaux secrets de la réussite warwickoise.
Car Warwick fait aujourd’hui sans contredit la preuve de sa détermination et de l’esprit dynamique de ses citoyens. Ouverte sur le monde, nous pouvons que lui prédire sans aucun doute un avenir prometteur.
Finalement, le voyageur gonflé des connaissances de son périple, n’aura d’autre envie de que de revenir en ces lieux plus souvent, afin de savourer les fruits d’un passé pas si lointain et d’un futur qui se construit chaque jour dans la fierté et le cœur de ses habitants…